Depuis la fin de semaine dernière, certains Français se sont empressés de vider les rayons de pâtes, riz et papier toilette de leur supermarché. Un comportement tout sauf rationnel.
Le darwinien instinct de survie des êtres humains semble s’être transformé en une hystérie collective. En Île-de-France, plus précisément, les supermarchés et hypermarchés sont pris d’assaut et les embouteillages de caddies se créent à l’abord des caisses. Interrogés par les journalistes, les prévoyants consommateurs justifient ces courses qui pourraient nourrir un régiment : « J’ai peur de manquer de quelque chose, avec les ruptures de stock ».
Manquer de vivres. C’est l’éternelle peur des habitants des villes lorsqu’on envisage un défaut d’approvisionnement. Au Moyen-Âge, Paris s’affamait lorsque les campagnes étaient victimes de la peste. Mais en ce siècle de surabondance, où l’offre dépasse la demande jusqu’à causer des gaspillages insensés, quelle rupture de stock peut-on craindre ? Le ministère de l’Economie, après consultation des acteurs de la grande distribution, l’a confirmé : « Il n’y aura ni pénurie ni rationnement ».
L’égoïsme du papier toilette
C’est justement les achats irrationnels qui peuvent, s’ils sont pratiqués par l’ensemble de la population, causer de véritables soucis d’approvisionnement. Cela veut dire qu’un foyer qui achète du riz et des pâtes pour six mois occasionne – pour un seul jour – une rupture de stock en bas de chez lui. C’est idiot en termes de besoin, mais c’est surtout profondément égoïste. Cela rappelle un épisode de Koh Lanta dans lequel l’équipe rouge décide de terminer les rations de riz non pas poussée par une faim véritable, mais par peur de devoir partager. Si chacun continue de faire ses courses selon ses nécessités habituelles, la question ne se poserait même pas.
« Nous comptons sur le comportement responsable des Français pour ne pas se précipiter sur les rayons et acheter plus que de besoin », a déclaré Bruno Le Maire. Une bien belle confiance du gouvernement envers ces quelques dévaliseurs, qui se sentent plus malins que tous en remplissant leur coffre de papier toilette. Sûrement abreuvés de films apocalyptiques et autres comédies de zombies, ces consommateurs ignorent sans doute que 90 à 95% des références seront toujours disponibles le lendemain, et le surlendemain.
Les services de livraison sont, quant à eux, dépassés. Les Franciliens, désormais bien habitués à recevoir à domicile leurs courses, ont au-delà de la paresse l’argument du confinement. Mais le livreur, qui s’est rendu chez tout le monde, est justement le meilleur moyen de locomotion pour un virus en recherche d’hôte.
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